Blog de droit à vocation pédagogique

jeudi 30 novembre 2006

CE Nicolo-L2

Arrêt NICOLO 1989

Conseil d'Etat

statuant
au contentieux
N° 108243
Publié au Recueil Lebon

Assemblée

M. de Montgolfier, Rapporteur
M. Frydman, Commissaire du gouvernement

M. Long, Président
S.C.P. de Chaisemartin, Avocat


Lecture du 20 octobre 1989


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raoul Georges Nicolo, demeurant 26, avenue de Joinville à Nogent-sur-Marne (94130), et tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 en vue de l'élection des représentants au Parlement européen, Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 55 ; Vu le Traité en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne ; Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ; Vu le code électoral ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. de Montgolfier, Auditeur, - les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de M. Hervé de Charette, - les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête de M. Nicolo :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes "le territoire de la République forme une circonscription unique" pour l'élection des représentants français au Parlement européen ; qu'en vertu de cette disposition législative, combinée avec celles des articles 2 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, desquelles il résulte que les départements et territoires d'outre-mer font partie intégrante de la République française, lesdits départements et territoires sont nécessairement inclus dans la circonscription unique à l'intérieur de laquelle il est procédé à l'élection des représentants au Parlement européen ; instituant la Communauté Economique Européenne : "Le présent traité s'applique ... à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées,
Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les personnes ayant, en vertu des dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du code électoral, la qualité d'électeur dans les départements et territoires d'outre-mer ont aussi cette qualité pour l'élection des représentants au Parlement européen ; qu'elles sont également éligibles, en vertu des dispositions de l'article L.O. 127 du code électoral, rendu applicable à l'élection au Parlement européen par l'article 5 de la loi susvisée du 7 juillet 1977 ; que, par suite, M. Nicolo n'est fondé à soutenir ni que la participation des citoyens français des départements et territoires d'outre-mer à l'élection des représentants au Parlement européen, ni que la présence de certains d'entre-eux sur des listes de candidats auraient vicié ladite élection ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ;
Sur les conclusions du ministre des départements et territoires d'outre-mer tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une amende pour recours abusif à M. Nicolo : Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;

DECIDE :


Article 1er : La requête de M. Nicolo et les conclusions du ministre des départements et des territoires d'outre-mer tendant à ce qu'une amende pour recours abusif lui soit infligée sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolo, à M. de Charette, mandataire de la liste l'Union U.D.F.-R.P.R., aux mandataires de la liste de rassemblement présentée par le Parti Communiste Français, de la liste du Centre pour l'Europe, de la liste Majorité de Progrès pour l'Europe, de la liste Les Verts Europe-Ecologie et de la liste Europe et Patrie et au ministre de l'intérieur.

Refus de soins/CMU-L3

Couverts par la CMU, mais mis à la porte des soins

Libération
QUOTIDIEN : jeudi 30 novembre 2006

Le comité d'éthique dénonce la «passivité» de l'ordre des médecins face à des discriminations sociales ouvertement assumées par de plus en plus de praticiens.
Par Sandrine CABUT

«C 'est la question la plus terrifiante, la plus antiéthique qui soit : le refus de soins aux bénéficiaires de la CMU [couverture maladie universelle, ndlr]. Comment peut-on laisser faire ça ? » s'enflamme Martin Hirsch. La scène se passe mardi matin, dans le grand amphithéâtre de la faculté de médecine d'Odéon, à Paris, où se tiennent les Journées annuelles d'éthique. La sortie du président d'Emmaüs France, convié pour disserter de «la place de la pauvreté et de l'exclusion dans les données modélisables», a des allures d'électrochoc. Le président du Comité d'éthique embraye, se dit «indigné» par la passivité du conseil de l'ordre des médecins (lire page suivante).
Testing. Enfin ! Longtemps ignorées, ou plutôt tolérées, par le milieu médical et les pouvoirs publics, ces discriminations ont été dénoncées avec vigueur ces dernières semaines. Beaucoup de patients sont potentiellement concernés : la CMU, entrée en vigueur en 2000, est censée aider 4,8 millions de personnes à faibles revenus à accéder à des soins gratuits.
Une enquête diligentée par le Fonds CMU et publiée cet été a jeté le pavé dans la mare. Un testing téléphonique auprès de plus de 200 praticiens dans le Val-de-Marne montrait que 41 % des spécialistes, 39 % des dentistes et 5 % des généralistes refusaient de recevoir des bénéficiaires de la CMU. Ils prétextaient souvent un carnet de rendez-vous plein, mais acceptaient les consultations pour d'autres patients. Las d'interpeller sans succès le conseil de l'ordre des médecins depuis deux ans, le Collectif des médecins généralistes pour l'accès aux soins (Comegas) a saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). La polémique a enflé, d'autant qu'une autre enquête par testing, menée par Médecins du monde, a confirmé l'ampleur des dégâts. Quatre généralistes sur dix refusent leurs soins aux bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat, un sur dix en cas de CMU (lire ci-dessous). Début novembre, la Halde a donc interpellé le ministre de la Santé pour qu'il prenne «les mesures nécessaires et appropriées pour mettre un terme à ces pratiques discriminatoires».
Xavier Bertrand ne peut découvrir la situation. Publiée en mars 2004, une étude de son ministère notait que 15 % des bénéficiaires interrogés avaient déjà essuyé un refus d'un professionnel de santé pour cause de CMU. Elle soulignait que ces pratiques discriminatoires étaient largement plus répandues chez les spécialistes et les dentistes que chez les généralistes. En septembre 2006, un rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale avait aussi consacré un chapitre au refus de soins. «La question de l'accès à la CMU mérite d'être traitée avec plus d'attention», concluait la Cour, pas davantage entendue.
«Inacceptable». Après l'interpellation de la Halde, Xavier Bertrand a enfin réagi et commandé une enquête à l'Inspection générale des affaires sociales, qui doit lui être remise aujourd'hui. Il s'est aussi tourné vers le conseil de l'ordre, censé sanctionner les praticiens contrevenant aux règles déontologiques. Rappelant le «caractère inacceptable» des refus de soins, le ministre de la Santé réclame au président de l'ordre des «mesures plus énergiques» à l'encontre des fautifs. La Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente les hôpitaux publics, met elle aussi en cause l'instance ordinale. Et vient d'appeler l'ordre à se saisir «immédiatement» du problème et à mettre en oeuvre «un dispositif et des sanctions suffisamment dissuasives pour faire cesser des méthodes qui bafouent nos principes républicains». «Je suis scandalisé par les médecins qui refusent les soins, et je suis aussi choqué qu'un représentant départemental de l'ordre puisse tenter de justifier cette attitude par le libre choix du médecin (1) » expliquait hier à Libération Claude Evin, président de la FHF.
«Nous ne nions pas l'existence de discriminations, mais les enquêtes par testing sont discutables et donnent des résultats exagérés, tempère Gérard Zeiger, vice-président du conseil national de l'ordre. Il est vrai qu'un médecin ne peut refuser des soins du seul fait de la CMU, et nous avons rappelé cette obligation déontologique dans notre bulletin.» Il insiste cependant sur les «difficultés évidentes» de l'application de la loi. Selon lui, nombre de bénéficiaires de la CMU ne sont pas inscrits dans le parcours de soins, ce qui «pénalise» financièrement le médecin qui les prend en charge. Beaucoup ne seraient pas à jour de leur carte Vitale, entraînant des difficultés de règlement de la consultation...
Sanctions. «Les patients CMU sont des patients comme les autres, mais ils doivent se comporter comme les autres», juge encore le Dr Zeiger, qui demande à l'Assurance maladie de «simplifier les modalités». Le conseil de l'ordre ajoute qu'il n'est qu'exceptionnellement saisi des problèmes. En six ans, seuls deux praticiens ont été sanctionnés, suite à des plaintes de caisses primaires d'assurance maladie. La FHF envisage la création de médiateurs sur les questions de l'accès aux soins. Quant à l'Assurance maladie, elle étudie un système de plateforme téléphonique où les patients peuvent s'informer sur les fourchettes de tarifs pratiqués par des médecins. Testé dans six départements, le dispositif doit se généraliser en 2007.
(1) En septembre, dans une lettre du conseil de l'ordre des Yvelines, le Dr Prudhomme, expliquait qu'au terme d'un premier entretien, le médecin doit rester libre de décider s'il accepte de prendre en charge définitivement un patient.

mardi 28 novembre 2006

Mondialisation/ NS-L3

"Mondialisation & inégalité"

En continuité du dossier de la note de synthèse sur la mondialisation de l'économie


La mondialisation produit-elle des inégalités ou les corrige-t-elle ?
Est-elle une chance ou un obstacle au développement ? Qui sont les
gagnants et les perdants de ce nouveau capitalisme ? Comment réduire la
fracture sociale globale ?
Autant de questions auxquelles le dernier numéro de « Questions
internationales » apporte des réponses illustrées par de nombreuses
cartes et données.

Mondialisation et inégalités
La Documentation française
Questions internationales n° 22
128 pages, 9,70 euros
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/3303331600220/


Refus de soins -L3

Principe du libre consentement et refus de soins


Pour aller plus loin voir le rapport de l'ordre des médecins de 2004:

http://www.web.ordre.medecin.fr/rapport/refusdesoins.pdf

Voir ci dessus les décision du Conseil d'Etat

Après la loi du 4 mars 2002

Conseil d'Etat du 16 août 2002,Mme Feuillatey, req. N° 249552

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 août 2002, présentée pour Mme Valérie FEUILLATEY, demeurant la Feuilletière, Tour n° 7, à Villard (42390) et pour Mme Isabelle FEUILLATEY, épouse GATT, demeurant 32, boulevard Pierre Joannon à Saint-Chamond, (42400) ; Mme Valérie FEUILLATEY et Mme Isabelle FEUILLATEY, épouse GATT demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 9 août 2002 en tant que cet article indique que l'injonction adressée au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne cessera de s'appliquer si Mme Valérie Feuillatey vient à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ;

2° d'ordonner au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de ne procéder en aucun cas à l'administration forcée d'une transfusion sanguine sur Mme Valérie Feuillatey contre son gré et à son insu ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique, et notamment son article L. 1111-4, dans la rédaction que lui a donnée la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Valérie Feuillatey et Mme Isabelle Feuillatey et d'autre part, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées,
Vu le procès verbal de l'audience publique du 16 août 2002 à 11 heures 30 à laquelle ont été entendus : - Me Blondel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mmes Valérie Feuillatey et Isabelle Feuillatey, - Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, - le représentant du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées,

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Valérie Feuillatey, hospitalisée le 28 juillet 2002 au service des soins intensifs post-opératoires du centre hospitalier de Saint-Etienne, a fait savoir oralement puis confirmé par écrit qu'en raison des convictions qui sont les siennes comme Témoin de Jéhovah, elle refusait, quelles que soient les circonstances, l'administration de tout produit sanguin ; que les médecins du centre hospitalier, estimant que le recours à une transfusion sanguine s'imposait pour sauvegarder la vie de la patiente, dont l'état évoluait dans des conditions qui présentaient un risque vital à court terme, ont néanmoins pratiqué un tel acte le 5 août 2002 ; que Mme Feuillatey et sa soeur ont alors saisi, le 7 août 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon en lui demandant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au centre hospitalier de ne procéder en aucun cas à l'administration forcée d'une transfusion sanguine sur la personne de l'intéressée ; que, par son ordonnance du 9 août 2002, le juge des référés a enjoint au centre hospitalier de s'abstenir de procéder à des transfusions sanguines sur la personne de Mme Valérie Feuillatey ; qu'il a toutefois précisé que cette injonction cesserait de s'appliquer si la patiente venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ; que les requérantes font appel de cette ordonnance en tant qu'elle comporte une telle réserve ; Considérant que l'article 16-3 du code civil dispose : Il ne peut être porté atteint à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne.
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ; qu'aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de son choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ;

Considérant que le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale ; que toutefois les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'article 16-3 du code civil et par celles de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu'après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Valérie Feuillatey et Mme Isabelle Feuillatey, épouse Gatt ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, à qui il appartenait, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de déterminer les limites de l'injonction qu'il formulait, a décidé que l'injonction qu'il adressait au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de s'abstenir de procéder à des transfusions sanguines sur la personne de Mme Valérie Feuillatey cesserait de s'appliquer si l'intéressée venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ; qu'il y a lieu toutefois d'ajouter à la réserve mentionnée par le juge des référés qu'il incombe au préalable aux médecins du centre hospitalier d'une part de tout mettre en oeuvre pour convaincre la patiente d'accepter les soins indispensables, d'autre part de s'assurer que le recours à une transfusion soit un acte indispensable à la survie de l'intéressée et proportionné à son état ;

O R D O N N E :
Article 1er : Avant de recourir, le cas échéant, à une transfusion dans les conditions indiquées à l'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 9 août 2002, il incombe aux médecins du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne d'une part d'avoir tout mis en oeuvre pour convaincre la patiente d'accepter les soins indispensables, d'autre part de s'assurer qu'un tel acte soit proportionné et indispensable à la survie de l'intéressée.
Article 2 : L'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 9 août 2002 est réformé dans le sens indiqué à l'article 1er de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Valérie Feuillatey et de Mme Isabelle Feuillatey, épouse Gatt est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Valérie FEUILLATEY, à Mme Isabelle FEUILLATEY, épouse GATT, au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.


(avant la loi 2002)

Conseil d’Etat, 26 octobre 2001, M. Sunil X. , req. N° 198546


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Catherine X..., ; Mme X..., agissant tant en son nom personnel qu’au nom de ses enfants mineurs Audrey et Dayn, demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 9 juin 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant 1) à l’annulation du jugement du 5 avril 1995 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à leur verser une somme de 100 000 F en réparation du préjudice causé par la décision de pratiquer des transfusions sanguines sur son mari, M. Sunil X..., malgré la volonté contraire exprimée par celui-ci, 2) à la condamnation de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser ladite somme, ainsi que la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Blondel, avocat de Mme X... et de Me Foussard, avocat de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des constatations de fait opérées par l’arrêt attaqué et dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée que M. Sunil X..., alors âgé de 44 ans, a été hospitalisé le 2 janvier 1991 au centre chirurgical de l’ouest parisien à La Garenne-Colombes en raison d’une insuffisance rénale aiguë, puis a été transféré le 22 janvier 1991 à l’hôpital Tenon à Paris à la suite de l’aggravation de son état ; que, dans une lettre écrite le 12 janvier 1991 alors qu’il était hospitalisé à La Garenne-Colombes, et ultérieurement communiquée avec son dossier médical aux médecins de l’hôpital Tenon à Paris, M. X... avait déclaré qu’il refusait, en tant que témoin de Jéhovah, que lui soient administrés des produits sanguins, même dans l’hypothèse où ce traitement constituerait le seul moyen de sauver sa vie ; qu’il a réitéré son refus le 23 janvier 1991 devant un médecin de l’hôpital Tenon, en présence de son épouse et d’une infirmière, et qu’il l’a maintenu par la suite, alors qu’il était informé du fait que cette attitude compromettait ses chances de survie ; que, toutefois, durant la période du 28 janvier au 6 février 1991, date du décès de l’intéressé, des transfusions sanguines ont été pratiquées à la suite de l’apparition d’une grave anémie ;

Considérant que pour confirmer le rejet par le tribunal administratif de la demande de Mme X... tendant à ce que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à raison du préjudice qui serait résulté pour son mari de la méconnaissance de la volonté qu’il avait exprimée, la cour administrative d’appel de Paris s’est fondée sur ce que : « ... l’obligation faite au médecin de toujours respecter la volonté du malade en l’état de l’exprimer ( ...) trouve ( ...) sa limite dans l’obligation qu’a également le médecin, conformément à la finalité même de son activité, de protéger la santé, c’est-à-dire en dernier ressort, la vie elle-même de l’individu ; que par suite, ne saurait être qualifié de fautif le comportement de médecins qui, dans une situation d’urgence, lorsque le pronostic vital est en jeu et en l’absence d’alternative thérapeutique, pratiquent les actes indispensables à la survie du patient et proportionnés à son état, fût-ce en pleine connaissance de la volonté préalablement exprimée par celui-ci de les refuser pour quelque motif que ce soit» ; qu’elle a ainsi entendu faire prévaloir de façon générale l’obligation pour le médecin de sauver la vie sur celle de respecter la volonté du malade ; que, ce faisant, elle a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son arrêt ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut «régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie» ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que, compte tenu de la situation extrême dans laquelle M. X... se trouvait, les médecins qui le soignaient ont choisi, dans le seul but de tenter de le sauver, d’accomplir un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que, dans ces conditions, et quelle que fût par ailleurs leur obligation de respecter sa volonté fondée sur ses convictions religieuses, ils n’ont pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Paris, qu’en raison de la gravité de l’anémie dont souffrait M. X..., le recours aux transfusions sanguines s’est imposé comme le seul traitement susceptible de sauvegarder la vie du malade ; qu’ainsi, le service hospitalier n’a pas commis de faute en ne mettant pas en oeuvre des traitements autres que des transfusions sanguines ;

Considérant que M. X... ayant été en mesure d’exprimer sa volonté, Mme X... n’est pas fondée à soutenir que les médecins de celui-ci auraient commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris en s’abstenant de la consulter personnellement ;

Considérant que les transfusions sanguines administrées à M. X... ne sauraient constituer un traitement inhumain ou dégradant, ni une privation du droit à la liberté au sens des dispositions des articles 3 et 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;

Sur les conclusions tendant au versement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme X... à payer à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X... la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 9 juin 1998 est annulé.
Article 2 : La requête de Mme X... contre le jugement du tribunal administratif de Paris est rejetée, ensemble le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d’Etat.
Article 3 : Les conclusions de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine X..., à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

Hospitalis. d'office-L3

Hospitalisation d'office:
l'Assemblée autorise la réforme par ordonnance 23/11/2006

L'Assemblée nationale a autorisé jeudi le gouvernement, grâce au vote d'un amendement au projet de loi sur les professions de santé, à réformer par ordonnance la loi de 1990 sur l'hospitalisation pour troubles mentaux.
L'amendement a été adopté par 38 voix (UMP) contre 18 (PS, PCF, UDF).
Cette ordonnance inclura le volet "santé mentale" du projet de loi Sarkozy déjà approuvé par les sénateurs et actuellement en discussion à l'Assemblée nationale. Ce volet ne devrait être retiré de ce texte qu'au moment de son vote en commission mixte paritaire (CMP, 7 sénateurs, 7 députés).
Le texte de M. Sarkozy prévoit que le maire pourra plus facilement demander une hospitalisation d'office. Il prévoit également la création d'un fichier de données administratives sur les hospitalisations d'office.
Les professionnels du secteur psychiatrie avaient vivement protesté contre l'inscription de ce volet dans un texte sur la délinquance, qui risque de créer, selon eux, un amalgame entre maladie mentale et délinquance.
Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a justifié la législation par ordonnance qui permet d'"aller vite sans négliger l'indispensable concertation avec les acteurs de la santé mentale". Il s'agit, selon lui "de pouvoir disposer d'un texte finalisé en ce début d'année 2007, ce que n'aurait pas permis le calendrier parlementaire initial".
Pour le président de la commission des Affaires sociales, Jean-Michel Dubernard (UMP), "la position du gouvernement va satisfaire les professionnels heurtés de voir les malades considérés comme des délinquants".
Au cours d'un débat parfois tendu que les socialistes se sont appliqués à ralentir, la gauche et l'UDF ont vivement critiqué ce que Michel Vaxès (PCF) a qualifié "d'injonction" du ministre de l'Intérieur à légiférer par ordonnance.
Serge Blisko (PS) a dénoncé un "tour de passe-passe" et regretté que M. Bertrand se soit "laissé déborder par (son) collègue de la place Beauvau".
"Personne ne souhaite qu'il y ait d'amalgame", a répondu M. Bertrand. "Nous avons cherché des solutions parce que nous avons entendu le message" du corps médical, a-t-il argué.
"Accepter un telle manoeuvre pour satisfaire votre ministre de l'Intérieur, ce n'est pas brillant", a renchéri Jacqueline Fraysse (PCF).
Pour l'UDF, Jean-Luc Préel, "le gouvernement a cherché un véhicule pour réparer une erreur" et "utilisé un texte en apparence anodin, pour faire adopter des dispositions contestées".
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sur certaines professions de santé voté jeudi par la seule UMP prévoit par ailleurs la création d'un diplôme national de diététicien, et assimile les assistants dentaires aux professionnels de santé.

lundi 27 novembre 2006

Décl. Droit Femme-L3

DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE

de Olympe de Gouges (1791)
(Déclaration qui n'est jamais entrée en vigueur et n'a pas de valeur juridique)

PREAMBULE

La DéclarationLes mères, les filles, les surs, représentantes de la nation, demandent d'être constituées en Assemblée nationale.

Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes murs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Article premier.
La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Article 2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.

Article 3
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et de l'Homme: nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Article 4
La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article 5
Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société; tout ce qui n'est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elles n'ordonnent pas.

Article 6
La loi doit être l'expression de la volonté générale; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7
Nulle femme n'est exceptée; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi: les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

Article 8
La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Article 9
Toute femme étant déclarée coupable; toute rigueur est exercée par la Loi.

Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi.

Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 12
La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure; cette garantie doit être instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Article 13
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.

Article 14
Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l'admission d'un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l'administration publique, et de déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée de l'impôt.

Article 15
La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Article 16
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à sa rédaction.

Article 17
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés: elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

POSTAMBULE

Femme, réveille-toi; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles? Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit; que vous reste t-il donc? La conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature; qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise? Le bon mot du Législateur des noces de Cana? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous? Tout, auriez vous à répondre. S'ils s'obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Etre Suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir; vous n'avez qu'à le vouloir. Passons maintenant à l'effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société; et puisqu'il est question, en ce moment, d'une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l'éducation des femmes.

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l'administration nocturne des femmes; le cabinet n'avait point de secret pour leur indiscrétion; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.

Respons. sans faute L2-L3

Accident médical : responsabilité sans faute


Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 modifié, intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi, que le nouveau régime de responsabilité au titre de la solidarité nationale institué par les articles L. 1142-1 et suivants du Code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001.

L'intervention chirurgicale à laquelle est imputé le dommage subi par l'intéressée ayant été pratiquée le 5 novembre 1997, la responsabilité de l'AP-HM pouvait être recherchée sur le terrain de la responsabilité sans faute à raison des dommages subis par l'intéressée. La responsabilité du service public est susceptible d'être engagée dans les conditions dégagées par la jurisprudence Bianchi (CE, ass., 9 avr. 1993, n° 69336 : Juris-Data n° 1993-040975 ; Rec. CE 1993, p. 126, concl. Daël ; JCP G 1993, II, 22061, note J. Moreau) du fait des dommages causés par une anesthésie générale.

L'intéressée a subi le 5 novembre 1997 l'ablation de la vésicule biliaire. À la suite de cette opération pratiquée sous anesthésie générale qui s'était achevée aux alentours de 16 heures, elle a été, après son réveil, reconduite dans sa chambre où elle a été retrouvée en arrêt cardio-respiratoire à 18 heures 30. En dépit des soins prodigués pour la réanimer, elle est restée en état de coma végétatif jusqu'à son décès le 29 décembre 2002. L'accident cardiaque dont elle a été victime résulte de l'anesthésie générale nécessitée par son intervention. Rien ne permettait de penser qu'elle fût particulièrement exposée au risque qui s'est réalisé. Les autres conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'hôpital étant remplies, le dommage pouvait être réparé sur ce fondement.
M.-C. R.


Source
CE, 15 nov. 2006, n° 279273, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille : Juris-Data n° 2006-071028
Sera mentionné aux tables du Lebon
JCP A 2006, act. 999

http://www.lexisnexis.fr/depeches/index2.jsp?date_new=2006-11-27&url_key=/data/24112006/24112006-112801.html&jour_jo=Lundi


JP (CAA Gomez) L2-L3

Cour administrative d'appel de Lyon, 21 décembre 1990, Consorts Gomez

Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la requête enregistrée le 1er septembre 1989 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Robert Gomez et M. Serge Gomez demeurant à la Croisette (01800) Meximieux par la SCP Bonnard, Delay, Deygas, Duplot, Guillaumond avocat ; M. et Mme Robert Gomez et M. Serge Gomez demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices Civils de Lyon soient condamnés à réparer le préjudice subi par M. Serge Gomez à la suite d'une intervention chirurgicale ;
2°) de condamner les Hospices Civils de Lyon à payer à M. Serge Gomez la somme de 4 293 285,78 francs, à M. et Mme Robert Gomez la somme de 100 000 francs avec intérêts à compter du 28 juin 1984 et capitalisation au 12 juin 1989 et à leur rembourser le montant des frais d'expertise avancés par eux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la décision n° 57 du bureau d'aide judiciaire de la cour en date du 2 avril 1990 ;
Vu la décision n° 59 du bureau d'aide judiciaire de la cour en date du 2 avril 1990 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience du 17 décembre 1990 où siégeaient : - le rapport de Mme du Granrut, conseiller ; - les observations de Me J. Bonnard avocat de M. Serge Gomez, de M. et Mme Robert Gomez, et de Me Christian Gabolde, avocat des Hospices Civils de Lyon ; - et les conclusions de Mme Haelvoet, commissaire du gouvernement ;

Sur la réparation :

Considérant que M. Serge Gomez, alors âgé de 15 ans et demi, qui souffrait d'une cyphose avec des signes traduisant un aspect évolutif de la maladie de Scheuermann, a été hospitalisé à l'hôpital Edouard Herriot le 25 août 1983 pour y subir une intervention dite de Luqué ; qu'à la suite de cette intervention, M. Serge Gomez a présenté des troubles neurologiques graves qui en dépit des soins qui lui ont été prodigués, ont provoqué une paraplégie de la partie inférieure du corps ; que M. Serge Gomez et ses parents, M. et Mme Gomez, demandent réparation aux Hospices Civils de Lyon du préjudice subi du fait des conséquences dommageables de cette complication post-opératoire ;

Sur la responsabilité :

Considérant que l'utilisation d'une thérapeutique nouvelle crée, lorsque ses conséquences ne sont pas encore entièrement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l'objet ; que lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s'impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves qui en sont la conséquence directe engagent, même en l'absence de faute, la responsabilité du service public hospitalier ;
Considérant qu'en recourant à la méthode dite de Luqué, le chirurgien qui a pratiqué l'intervention sur la personne de Serge Gomez a mis en oeuvre une technique opératoire nouvelle dont il résulte de l'instruction que les conséquences n'étaient pas encore entièrement connues ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction qu'en dépit de la gravité de l'affection dont souffrait M. Serge Gomez, ses jours aient été en danger ; que les conséquences de cette intervention ont été particulièrement graves et anormales et sont par suite de nature à engager la responsabilité des Hospices Civils de Lyon ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Serge Gomez et M. et Mme Gomez sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par M. et Mme Robert Gomez :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les parents de la victime résultant des troubles dans leurs conditions d'existence, en l'évaluant à 50 000 francs ; qu'il convient d'ajouter à cette somme les frais d'aménagement qu'ils ont supportés pour adapter leur logement au handicap de leur fils et dont le montant s'élève à 43 285,78 francs ; Sur les intérêts :
Considérant que M. et Mme Gomez ont droit aux intérêts de la somme de 93 285,78 francs à compter du jour de la réception par les Hospices Civils de Lyon de leur demande, soit le 29 juin 1984 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 juin 1989 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

En ce qui concerne les préjudices subis par M. Serge Gomez :

Considérant que l'état actuel du dossier ne permet pas à la cour de disposer des éléments d'appréciation nécessaires pour fixer le préjudice subi par M. Serge Gomez ; que notamment la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ain n'a pas produit le décompte des frais à sa charge et consécutifs à l'affection dont souffre la victime ; qu'il lui appartient en conséquence dans le délai de deux mois à dater de la notification du présent arrêt, de fournir, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise qu'elle sollicite, toutes précisions chiffrées sur le montant exact de ses débours ;
Considérant par ailleurs que M. Serge Gomez bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés qui doit s'imputer sur le montant de son indemnité ; qu'il devra en préciser le montant dans le même délai ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 1989 est annulé.
Article 2 : Les Hospices Civils de Lyon sont déclarés responsables des conséquences dommageables de l'opération subie par M. Serge Gomez le 25 août 1983.
Article 3 : Les Hospices Civils de Lyon sont condamnés à payer à M. et Mme Robert Gomez une somme de 93 285,78 francs qui portera intérêt au taux légal à compter du 29 juin 1984 ; les intérêts échus le 12 juin 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Il est ordonné un supplément d'instruction aux fins de permettre à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ain de produire dans le délai de deux mois toutes précisions sur le montant de ses débours et à M. Serge Gomez de fournir à la cour, dans le même délai, le montant de l'allocation aux adultes handicapés qu'il perçoit.
Article 5 : Tous droits et conclusions des parties autres que ceux sur lesquels il est statué par le présent arrêt sont réservés ainsi que les frais d'expertise pour y être statué en fin d'instance.


JP (CE Bianchi) L2-L3

Conseil d'Etat du 9 avril 1993, Bianchi

Vu la décision du 23 septembre 1988 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, avant de statuer sur la requête de M. Bianchi, ordonné une expertise à l'effet de déterminer les conditions dans lesquelles a été injecté le 3 octobre 1978, un produit de contraste au patient, préalablement à l'artériographie ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; - le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Philippe Bianchi et de Me Le Prado, avocat de l'assistance publique à Marseille, - les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant que, par décision du 23 septembre 1988, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté les moyens tirés par M. Bianchi de ce que l'artériographie vertébrale qu'il a subie le 3 octobre 1978 à l'hôpital de la Timone à Marseille n'avait pas été pratiquée par une équipe médicale qualifiée, de ce que le consentement du patient n'avait pas été recueilli et de ce que les soins post-opératoires qu'il a reçus étaient insuffisants ; que ces points ont été définitivement jugés et ne peuvent être remis en cause ;
Considérant qu'il ressort du rapport établi à la suite de la nouvelle expertise ordonnée par la décision précitée du Conseil d'Etat sur les conditions dans lesquelles le produit de contraste nécessaire à l'artériographie a été injecté à M.
Bianchi, que ce produit n'a joué aucun rôle dans la survenance des troubles apparus après l'examen, qu'il n'existait aucun indice susceptible de faire soupçonner un risque de réaction ou d'hypersensibilité à l'iode et que, si le compte rendu de l'artériographie n'a pu être retrouvé, les constatations faites aussitôt après l'examen permettent de conclure que la dose totale d'iode injectée n'a pas été excessive par rapport aux normes couramment admises à l'époque ; que l'expert retient comme cause vraisemblable de l'accident une occlusion secondaire à l'artériographie, au niveau de l'artère vascularisant la moelle cervicale, provoquée par une petite bulle ou un petit caillot libérés au cours de l'exploration ou de l'évacuation du produit de contraste, constituant un risque inhérent à ce genre d'examen ; qu'il résulte de ces constatations et appréciations de l'expert, qui ne sont pas démenties par les autres pièces du dossier, qu'aucune faute ne peut être relevée dans l'exécution de l'artériographie subie par M. Bianchi ;
Considérant, toutefois, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant que le risque inhérent aux artériographies vertébrales et les conséquences de cet acte pratiqué sur M.
Bianchi répondent à ces conditions ; que, dès lors, M. Bianchi est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'assistance publique à Marseille ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise de première instance, qu'à la suite de l'artériographie qu'il a subie le 3 octobre 1978, M. Bianchi, né le 22 juin 1936, est atteint d'une tétraplégie prédominante aux membres inférieurs, avec syndrome pyramidal et troubles sensitifs, se traduisant par une impotence motrice tant dans la marche qu'au niveau des membres supérieurs, avec accentuation des réflexes ostéo-tendineux ; qu'il souffre de douleurs importantes et résistant à la thérapeutique et de troubles sphinctériens ; qu'il a besoin de l'aide constante d'une tierce personne ; que, toutefois, dans l'évaluation du préjudice indemnisable, il convient de tenir compte de l'état du patient antérieurement à son hospitalisation ; que M. Bianchi présentait, lors de son admission à l'hôpital, des vertiges avec nausées et douleurs cervico-occipitales, une paralysie faciale dont il conserve des séquelles ; que son état de santé l'avait obligé à cesser son travail depuis le début de l'année 1977 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de l'artériographie, en fixant l'indemnité due à M. Bianchi à la somme de 1 500 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Bianchi a droit aux intérêts de cette somme à compter du 1er octobre 1982, date de présentation de sa demande ; Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 7 juin 1985, 11 septembre 1987, 22 novembre 1991 et 23 novembre 1992 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ; Sur les frais d'expertise : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise de première instance et d'appel à la charge de l'assistance publique à Marseille ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 1984 est annulé.
Article 2 : L'assistance publique à Marseille est condamnée à verser à M. Bianchi la somme de 1 500 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1982. Les intérêts échus les 7 juin 1985, 11 septembre 1987, 22 novembre 1991 et 23 novembre 1992 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance et en appel sont mis à la charge de l'assistance publique à Marseille.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bianchi, à l'assistance publique à Marseille et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.

JP (CE époux V.) L2-L3

Conseil d'Etat, Assemblée, 10 avril 1992, Époux V

Abandon de la jurisprudence selon laquelle la responsabilité administrative ne peut être engagée à raison d'actes médicaux accomplis dans des établissements hospitaliers publics qu'en cas de faute lourde.

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M et Mme V, demeurant 6, rue Louis Jouvet à Bihorel-les-Rouen (76420), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du 4 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'hôpital clinique du Belvédère à Mont-Saint-Aignan (Seine-Martime) au versement de la somme de 4 437 600 F avec intérêts, en réparation des conséquences dommageables de la césarienne pratiquée sur Mme V le 9 mai 1979 et a mis à leur charge les frais d'expertise médicale ;

2°) condamne la clinique du Belvédère à payer aux époux V une somme de 4 437 600 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts en réparation du préjudice subi,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

le rapport de M Salat-Baroux, Auditeur,

les observations de Me Roger, avocat des époux V et de la SCP Célice, Blancpain, avocat de l'hôpital clinique du Belvédère,

es conclusions de M Legal, Commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant que Mme V a subi, le 9 mai 1979, quelques jours avant le terme de sa grossesse, à l'hôpital clinique du Belvédère à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), une césarienne pratiquée sous anesthésie péridurale ; qu'au cours de l'opération, plusieurs chutes brusques de la tension artérielle se sont produites, suivies d'un arrêt cardiaque ; que Mme V a pu être réanimée sur place, puis soignée au centre hospitalier régional de Rouen, où elle a été hospitalisée jusqu'au 4 juillet 1979 ; qu'elle demeure atteinte d'importants troubles neurologiques et physiques provoqués par l'anoxie cérébrale consécutive à l'arrêt cardiaque survenu au cours de l'intervention du 9 mai 1979 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de l'ensemble des rapports d'expertise établis tant en exécution d'ordonnances du juge d'instruction que du jugement avant-dire-droit du tribunal administratif de Rouen en date du 4 avril 1986, que la césarienne pratiquée sur Mme V présentait, en raison de l'existence d'un placenta praevia décelé par une échographie, un risque connu d'hémorragie pouvant entraîner une hypotension et une chute du débit cardiaque ; qu'il était par ailleurs connu, à la date de l'intervention, que l'anesthésie péridurale présentait un risque particulier d'hypotension artérielle ;

Considérant que le médecin anesthésiste de l'hôpital a administré à Mme V, avant le début de l'intervention, une dose excessive d'un médicament à effet hypotenseur ; qu'une demi-heure plus tard une chute brusque de la tension artérielle, accompagnée de troubles cardiaques et de nausées a été constatée ; que le praticien a ensuite procédé à l'anesthésie péridurale prévue et a administré un produit anesthésique contre indiqué compte tenu de son effet hypotenseur ; qu'une deuxième chute de la tension artérielle s'est produite à onze heures dix ; qu'après la césarienne et la naissance de l'enfant, un saignement s'est produit et a été suivi, à onze heures vingt-cinq, d'une troisième chute de tension qui a persisté malgré les soins prodigués à la patiente ; qu'à douze heures trente, du plasma décongelé mais insuffisamment réchauffé a été perfusé provoquant immédiatement une vive douleur suivie de l'arrêt cardiaque ;

Considérant que les erreurs ainsi commises, qui ont été selon les rapports d'expertise la cause de l'accident survenu à Mme V, constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ; que par suite, M et Mme V sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué du 4 avril 1986 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de M et Mme V ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'à la suite de l'accident d'anesthésie dont a été victime Mme V, alors âgée de 33 ans, celle-ci reste atteinte de graves séquelles à la jambe gauche et, dans une moindre mesure, au membre supérieur gauche ; qu'elle souffre de graves troubles de la mémoire, d'une désorientation dans le temps et l'espace, ainsi que de troubles du caractère ; qu'elle a dû subir une longue période de rééducation ; que, du fait de son handicap physique, elle subit un préjudice esthétique ; qu'enfin, si elle n'apporte aucun commencement de preuve d'une perte de salaire effective, il est établi qu'avant son accident, elle exerçait la profession de maître auxiliaire dans un collège d'enseignement secondaire et qu'elle a perdu toute perspective de reprendre une activité professionnelle correspondant à ses titres universitaires ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces éléments du préjudice, en lui allouant une indemnité d'un montant d'un million de francs ;

Considérant que M V, mari de la victime, subit un préjudice moral du fait de l'état de sa femme et, qu'ayant trois enfants à charge, il subit des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 300 000 F ;

Considérant que M et Mme V ont droit aux intérêts des indemnités qui leur sont accordées à compter du 12 novembre 1982, date de réception par l'hôpital clinique du Belvédère de la demande d'indemnité qu'ils lui ont présentée ;

Considérant que M et Mme V ont demandé le 2 juin 1986 puis le 28 février 1990 la capitalisation des intérêts ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'hôpital clinique du Belvédère les frais d'expertise exposés en première instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 avril 1986 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M et Mme V et mis à leur charge les frais d'expertise.

Article 2 : L'hôpital clinique du Belvédère est condamné à verser à Mme V, la somme d'un million de francs et à M V, la somme de 300 000 F Ces sommes porteront intérêts au taux légal, à compter du 12 novembre 1982. Les intérêts échus les 2 juin 1986 et 28février 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'hôpital clinique du Belvédère.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M et Mme V, à l'hôpital clinique du Belvédère, à la caisse primaire d'assurance maladie de la région parisienne et au ministre de la santé et de l'action humanitaire.

jeudi 23 novembre 2006

Recherche en droit-L3

Bibliographie
Initiation à la recherche en Droit


Méthodologie sur la recherche en droit
  • ROMI Raphaël, Méthodologie de la recherche en droit, éd. LITEC, LexisNexis, 2006, 157 pp.
Recherches documentaires:
  • COTTIN, S. ET S. MOYRET, Petit guide d'accès à l'information juridique française: Pratique de la recherche documentaire juridique, Paris, ADBS, 2000.
  • DUNES, A., Documentation juridique, Paris, Dalloz, 1977.
  • PANSIER, F.-J., Méthodologie du droit, 2e éd., Paris, Litec, 1998
  • TANGUY, Y., La recherche documentaire en droit, Paris, PUF, 1991.
  • JURISGUIDE: Guide pour la recherche d'information en sciences juridiques
  • http://jurisguide.univ-paris1.fr/
  • http://repere.enssib.fr/frontoffice/index.asp#
Dictionnaires de droit:

  • CORNU, G., Vocabulaire juridique, 8e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2004.
  • FONTAINE, M., R. CAVALERIE ET J.-A. HASSENFORDER, Dictionnaire de droit, Paris, Foucher, 2000.
  • GUILLIEN R., Lexique des termes juridiques, 12e éd., Paris, Dalloz, 1999.
  • GUILLIEN, R., Le Droit de A à Z : le dictionnaire juridique pratique, 10e éd., Paris, Editions juridiques européennes, 1997.
  • JURISGUIDE: Description de quelques dictionnaires et guides juridiques - http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/jurisguide/Incontournables/jincountdico.htm

Biblio NS -L3

BIBLIOGRAPHIE


Ouvrages sur la Note de synthèse:
  • Michel Deyra, La note de synthèse, 8ème éd. Galiano éditeur, 2005, 250 pp.
  • Bernard Meyer, La Note de synthèse. Catégories A et B, éditions Armand Colin.
  • Rémy Le Saout, Méthodologie de la note de synthèse, éditions Vuibert Concours administratifs, catégories B et A. (troisième édition), 2006, 192 pp.
  • Serge Salon et Jean-Charles Savignac, La note de synthèse aux concours, 7ème éd. Sirey, 2004, 472 pp.
  • Michel Deyra et Christine Bertrand, Note de synthèse, série 1 et 2, 2ème édition, Gualino éditeur, 2004, 262 pp.
  • Rémi Leurion, Gérard Terrien, Réussir les épreuves de note synthèse : Catégories A et B, éditions Foucher, 2005, 256 pp.
  • Gérard Castex et Pierre Gévart, La note de synthèse, catégorie A et B, éd. La Documentation Française, 1998, 152 pp.
Ouvrages sur la note juridique :
  • Olivier Tréand, La note de synthèse juridique (n° 11), éditions Vuibert, Concours administratifs, catégorie A, 1998, 378 pp.
  • Olivier Ortega, La note de synthèse juridique à l'entrée à l'EFB, aux CRFPA et à l'ENM, éditions Presses Universitaires de France, 1996, 195 pp.
  • Bernard Stirn et Formery S., La note sur dossier juridique, Armand Colin, 1996, 274 pp.
  • Eric Ghérardi et Jean-Pierre sabio, La note de synthèse au CRFPA et à l’ENM, 2ème éd. Ellipses, 2006, 169 pp.
  • Michèle Harichaux et Caroline Watine-Drouin, La note de synthèse, préparation CRFPA et ENM, 10ème éd., 2006, 306 pp.
Ouvrage sur la note administrative :
  • Serge Salon, La note administrative et résumé de texte, Sirey, 6ème édition, 2003.

Biblio droit hospitalier-L3

BIBLIOGRAPHIE

Cours, manuels, mémentos :
  • Jean-Marie Clément, Cours de droit hospitalier : Tome 1 et tome 2, Les Études Hospitalières, 2004, 468 pp et 293 pp.
  • Jean-Marie Clément, Mémento de droit hospitalier, Les Études Hospitalières, 2005, 404 pp.
  • Marc Dupont, Claudine Esper, Christian Paire, Droit hospitalier, éd. Dalloz, 2005, 823 pp.
  • Gilles Devers, Mémento de droit hospitalier à l'usage des soignants, éd. Lamarre, 2005, 188 pp.
Approfondissement :

QSJ:
  • Michel Godfryd, Textes de droit hospitalier, PUF, QSJ, 3ème éd., 2005, 127 pp.
  • Didier Stingre, Le service public hospitalier, PUF, QSJ, 2004, 127 pp.
  • Didier Stingre, La fonction publique hospitalière, PUF, QSJ, 2006, à paraître octobre.
Jurisclasseurs, Traités :
  • Auby J.-M. (sous la dir.), Traité de Droit médical et hospitalier, Litec
  • Lamy Droit de la Santé
Revues :
  • Revue de droit sanitaire et social
  • Revue générale de droit médical
  • Revue fondamentale des questions hospitalières
  • La Revue Droit & Santé
  • La Gazette de l'hôpital
  • Les fiches de la jurisprudence hospitalière : http://www.leh.fr/edition/page006.html
  • Les fiches de droit hospitalier : http://www.leh.fr/edition/page006.html

Biblio droit adm-L2

BIBLIOGRAPHIE

Manuels, mémentos et ouvrages
  • Jean RIVERO, Jean Waline, Droit administratif, Dalloz, août 2006, 540 pp.
  • Pierre Laurent FRIER, Précis de droit administratif, éd. Montchrestien, septembre 2006.
  • Martine LOMBARD, Droit administratif, « hyperCours », Dalloz, 2005, 550 pp.
  • Jacqueline MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif, éd. Montchrestien, 2005, 860 pp.
  • René CHAPUS, Droit administratif général, Montchrestien, tome 1, 15 éd. 2001, 787 pp.
  • Gustave PEISER, Mémento de droit administratif, 19ème éd. Dalloz, 2006, 212 pp.
  • M. LONG, P. Weil, G. BRAIBANT, P. DELVOLVE, B. GENEVOIS, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2005.
  • Jean-françois Lachaume, droit administratif, les décisions administratives de jurisprudence, 2003, PUF.
Revues
  • Revue française de droit administratif (RFDA)
  • Actualité juridique de droit administratif (AJDA)

Concours administ.-L3

CONCOURS ADMINISTRATIFS :

Pour tous ceux qui préparent les concours A et B de la fonction
publique, La Documentation française propose, sur toutes les grandes
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mercredi 22 novembre 2006

NS projet de loi eau-L3

PROJET DE LOI
SUR L'EAU ET LES MILIEUX AQUATIQUES

(extrait du site du Sénat)

Objet du texte : Le Sénat est saisi en première lecture de ce texte modernisant le dispositif juridique de la gestion de l'eau, qui repose sur les lois sur l'eau du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992. L'organisation décentralisée qu'elles ont créée a été reprise par la directive-cadre sur l'eau adoptée en octobre 2000, transposée par la loi du 21 avril 2004.
Afin d'améliorer la gestion de l'eau et d'atteindre l'objectif de bon état écologique des eaux fixé par (Lire la suite...)

Dossier législatif

Première lecture

Sénat

Assemblée nationale (dossier législatif sur le site de l'Assemblée nationale)

  • Texte n° 2276 rectifié transmis à l'Assemblée nationale le 14 avril 2005
  • Rapport n° 3070 de M. André FLAJOLET, député, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 3 mai 2006
  • Avis n° 3068 de M. Philippe ROUAULT, député, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 mai 2006
  • Texte n° 579 modifié par l'Assemblée nationale le 30 mai 2006

Deuxième lecture

Sénat

Assemblée nationale

  • Texte n° 3303 transmis à l'Assemblée nationale le 12 septembre 2006

Analyse des discussions législatives et des scrutins publics au

Dossier d'information

Objet du texte :

Le Sénat est saisi en première lecture de ce texte modernisant le dispositif juridique de la gestion de l'eau, qui repose sur les lois sur l'eau du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992. L'organisation décentralisée qu'elles ont créée a été reprise par la directive-cadre sur l'eau adoptée en octobre 2000, transposée par la loi du 21 avril 2004.

Afin d'améliorer la gestion de l'eau et d'atteindre l'objectif de bon état écologique des eaux fixé par la directive pour 2015, le projet de loi propose des réformes réparties en cinquante articles et divisées en quatre titres respectivement consacrés :
- à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques (titre Ier) ;
- à l'alimentation en eau et à l'assainissement (titre II) ;
- à la planification et à la gouvernance (titre III) ;
- à des dispositions finales et transitoires (titre IV).


Pour compléter votre information sur ce projet de loi, vous pouvez également consulter les documents suivants :

mardi 21 novembre 2006

Droit hospitalier-L3

Charte du patient hospitalisé



Charte du patient hospitalisé annexée à la circulaire ministérielle n° 95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients hospitalisés.

Principes généraux


1 - Le service public hospitalier est accessible à tous et en particulier aux personnes les plus démunies. Il est adapté aux personnes handicapées.

2 - Les établissements de santé garantissent la qualité des traitements, des soins et de l'accueil. Ils sont attentifs au soulagement de la douleur.

3 - L'information donnée au patient doit être accessible et loyale. Le patient participe aux choix thérapeutiques qui le concernent.

4 - Un acte médical ne peut être pratiqué qu'avec le consentement libre et éclairé du patient.

5 - Un consentement spécifique est prévu notamment pour les patients participant à une recherche biomédicale, pour le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain et pour les actes de dépistage.

6 - Le patient hospitalisé peut, à tout moment, quitter l'établissement sauf exceptions prévues par la loi, après avoir été informé des risques éventuels qu'il encourt.

7 - La personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées. Son intimité doit être préservée ainsi que sa tranquillité.

8 - Le respect de la vie privée est garanti à tout patient hospitalisé ainsi que la confidentialité des informations personnelles, médicales et sociales qui le concernent.

9 - Le patient a accès aux informations contenues dans son dossier notamment d'ordre médical par l'intermédiaire d'un praticien qu'il choisit librement.

10 - Le patient hospitalisé exprime ses observations sur les soins et l'accueil, et dispose du droit de demander réparation des préjudices qu'il estimerait avoir subis.

lundi 20 novembre 2006

Recherche/méthodo-L3

Liens pour la recherche bibliographique
Mémoires de Droit - L3



lien de legifrance (textes, JP, codes, actu, etc.)

http://www.legifrance.gouv.fr/

recherche dans le catalogue universitaire sudoc :

http://www.sudoc.abes.fr/LNG=FR/DB=2.1/IMPLAND=Y/CHARSET=ISO-8859-1/DB_START

site de la bibliothèque de Paris 13 : recherche de documents (livres, doctrines, revues, etc.)

http://www-bu.univ-paris13.fr/

Dossier médical-L3

Consultation publique sur l'avant-projet de décret Dossier Médical Personnel (DMP)

http://www.d-m-p.org/index.php?option=com_content&task=view&id=122

samedi 18 novembre 2006

Hiérachie des normes

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Bloc de constitut.-L2 L3

Bloc de constitutionnalité

Wikipédia, l'encyclopédie libre

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Bloc_de_constitutionnalit%C3%A9&oldid=11636943.


Organisation du CE- L2

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Dualité de jurid. -L2&L3

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Arrêt Blanco -L2

T.C., 8 février 1873, Blanco - Conclusions de David


*****


Arrêt


Tribunal des conflits
statuant
au contentieux
N° 00012
Publié au Recueil Lebon

M. Mercier, Rapporteur
M. David, Commissaire du gouvernement


Lecture du 8 février 1873


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'exploit introductif d'instance, du 24 janvier 1872, par lequel Jean Blanco a fait assigner, devant le tribunal civil de Bordeaux, l'Etat, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Jean, Henri Bertrand, Pierre Monet et Jean Vignerie, employés à la manufacture des tabacs, à Bordeaux, pour, attendu que, le 3 novembre 1871, sa fille Agnès Blanco, âgée de cinq ans et demi, passait sur la voie publique devant l'entrepôt des tabacs, lorsqu'un wagon poussé de l'intérieur par les employés susnommés, la renversa et lui passa sur la cuisse, dont elle a dû subir l'amputation ; que cet accident est imputable à la faute desdits employés, s'ouïr condamner, solidairement, lesdits employés comme co-auteurs de l'accident et l'Etat comme civilement responsable du fait de ses employés, à lui payer la somme de 40,000 francs à titre d'indemnité ;

Vu le déclinatoire proposé par le préfet de la Gironde, le 29 avril 1872 ; Vu le jugement rendu, le 17 juillet 1872, par le tribunal civil de Bordeaux, qui rejette le déclinatoire et retient la connaissance de la cause, tant à l'encontre de l'Etat qu'à l'encontre des employés susnommés ;

Vu l'arrêté de conflit pris par le préfet de la Gironde, le 22 du même mois, revendiquant pour l'autorité administrative la connaissance de l'action en responsabilité intentée par Blanco contre l'Etat, et motivé : 1° sur la nécessité d'apprécier la part de responsabilité incombant aux agents de l'Etat selon les règles variables dans chaque branche des services publics ; 2° sur l'interdiction pour les tribunaux ordinaires de connaître des demandes tendant à constituer l'Etat débiteur, ainsi qu'il résulte des lois des 22 décembre 1789, 18 juillet, 8 août 1790, du décret du 26 septembre 1793 et de l'arrêté du Directoire du 2 germinal an 5 ;

Vu le jugement du tribunal civil de Bordeaux, en date du 24 juillet 1872, qui surseoit à statuer sur la demande ;

Vu les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an 3 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ;


Considérant que l'action intentée par le sieur Blanco contre le préfet du département de la Gironde, représentant l'Etat, a pour objet de faire déclarer l'Etat civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d'ouvriers employés par l'administration des tabacs ;

Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ;

Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ;

Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître ;


DECIDE :


Article 1er : L'arrêté de conflit en date du 22 juillet 1872 est confirmé.
Article 2 : Sont considérés comme non avenus, en ce qui concerne l'Etat, l'exploit introductif d'instance du 24 janvier 1872 et le jugement du tribunal civil de Bordeaux du 17 juillet de la même année.
Article 3 : Transmission de la décision au garde des sceaux pour l'exécution.

*****


Conclusions du commissaire du gouvernement David
sur T.C., 8 février 1873, Blanco




Le fait qui a donné lieu à ce conflit est aussi simple qu’il est triste ; une enfant de cinq ans, Agnès Blanco, a été renversée et grièvement blessée par un wagonnet chargé de tabacs que conduisaient quatre ouvriers de la manufacture des tabacs de Bacalan, à Bordeaux, à travers la rue qui sépare le magasin du hangar de cet établissement.

Le père de l’enfant a intenté, devant le tribunal civil de Bordeaux, en vertu des articles 1382 et suivants, une action qui était dirigée tout à la fois contre les quatre ouvriers comme coauteurs de la blessure causée à sa fille, et contre l’Etat comme civilement responsable de l’imprudence de ses préposés.

Cette action tendait à faire condamner les ouvriers et l’Etat solidairement à lui payer une indemnité de 40 000 francs. Le mémoire en déclinatoire du préfet de la Gironde déniait toute compétence au tribunal pour connaître de l’instance, tant à l’égard des ouvriers qu’à l’égard de l’Etat.

Le jugement du tribunal civil, en date du 17 juillet 1872, ayant repoussé sur ces deux points le déclinatoire, l’arrêté de conflit qui vous est soumis n’a revendiqué la connaissance de l’action, pour l’autorité administrative qu’en tant qu’elle était dirigée contre l’Etat, laissant sans conteste à l’autorité judiciaire le droit de connaître du débat entre le sieur Blanco et les ouvriers.

Le conflit étant réduit à ces termes, la question qu’il soulève est celle de savoir quelle est des deux autorités administrative et judiciaire, celle qui a compétence générale pour connaître des actions en dommages-intérêts formées par les particuliers contre l’Etat, comme civilement responsable des fautes personnelles de ses agents dans les divers services publics, alors que les lois spéciales à ces services n’ont pas pris soin de régler cette responsabilité et de désigner celle des deux autorités qui serait chargée de l’apprécier.

Cette question a été l’objet d’une dissidence constante entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, qui, dans les deux sens opposés, ont montré une égale fermeté à maintenir leur doctrine respective.

Avant d’aborder la discussion, il importe de préciser le point auquel paraît se réduire désormais la controverse.
La Cour de cassation reconnaît, avec le Conseil d’Etat, que nos lois constitutives de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, (Lois des 22 décembre 1789-8 janvier 1790 (sect. 3, article 7), des 16-24 août 1790 (titre 2, article 13), du 16 fructidor an III), interdisent à l’autorité judiciaire tout examen, toute critique, soit des règlements administratifs, des ordres et instructions compétemment donnés par l’administration à ses agents, soit de l’omission de ces diverses mesures.

Elle admet donc que les tribunaux civils sont incompétents pour connaître des demandes formées contre l’Etat par les particuliers, à l’effet d’obtenir la réparation de dommages qui seraient résultés pour eux, soit de l’exécution des règlements et autres actes de l’autorité administrative, soit de l’omission des mesures que la prudence aurait pu commander à cette autorité, et qu’ils lui reprocheraient, de n’avoir pas prises (arrêt du 3 juin 1840, de Rotrou). Sur ce premier point, il ne saurait donc y avoir de difficulté.

Mais il n’en est pas de même des actions en dommages-intérêts formées contre l’Etat par les particuliers, lorsqu’elles sont fondées, non plus sur l’exécution ou sur l’omission de certaines mesures administratives, mais bien sur des fautes ou négligences personnelles aux agents de l’Etat dans l’emploi auquel ils sont préposés. Dans ce cas, quelle est l’autorité compétente pour statuer sur le fond du débat ?

C’est sur ce point qu’un désaccord radical, absolu, a constamment existé entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat. En 1850 et 1851, la question a été portée devant le Tribunal des conflits. Dans les différentes espèces dont le Tribunal a été saisi, il s’agissait d’instances engagées contre l’administration des postes, à raison de fautes ou même de crimes reprochés à ses agents ; le Tribunal a considéré que, pour décider si ces faits avaient été accomplis par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions et dans quelle mesure ils pouvaient être susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat, il était nécessaire d’examiner et d’apprécier les règlements relatifs au service de la poste aux lettres ; qu’en se livrant à un semblable examen, l’autorité judiciaire s’immiscerait dans l’appréciation d’actes administratifs dont les lois sur la séparation des pouvoirs lui défendaient de connaître. Aussi, dans ces différentes affaires, c’est en se fondant sur la circonstance particulière d’actes administratifs à examiner et à apprécier, que le Tribunal s’est prononcé en faveur de la compétence administrative (voir, notamment, 20 mai 1850, Manoury ; 17 juillet 1850, Letellier ; 7 avril 1851, Cailliau).

Le Tribunal des conflits actuel a rendu récemment deux décisions analogues par leurs motifs et leur dispositif, au sujet de conflits élevés par le préfet du Rhône dans les instances engagées contre l’Etat par la compagnie du chemin de fer de Paris-Lyon-Méditerranée, à raison d’accidents causés par l’exposition de barils de poudre et que la compagnie imputait à l’imprudence des agents de l’Etat dans l’emballage et l’arrimage de ces poudres. Si ces différentes décisions n’ont pas tranché en principe la question qui nous occupe, il n’en faut pas moins reconnaître qu’elles en ont singulièrement réduit la portée car désormais le doute n’existe plus que dans le cas où, pour apprécier le principe et la mesure de la responsabilité de l’Etat à raison d’une faute reprochée à son agent, il ne serait nullement nécessaire d’apprécier un règlement administratif.

Tel paraît être précisément le cas de l’espèce actuelle.
D’une part, en effet, le fait d’imprudence reproché aux ouvriers de la manufacture des tabacs de Bordeaux, dans la manoeuvre du wagonnet qui a renversé et blessé la jeune Blanco, se rapporte bien directement à leur emploi.

D’autre part, il n’apparaît pas, et il serait bien difficile de concevoir, qu’il puisse y avoir dans l’administration des tabacs, un règlement administratif quelconque qui aurait eu pour but et pour effet de régler les conséquences d’un pareil fait au point de vue de la responsabilité qui en résulterait pour l’Etat vis-à-vis des tiers.

Nous sommes donc en présence d’une action en dommages-intérêts formée par un particulier contre l’Etat à raison d’un quasi-délit, que des gens à son service auraient commis dans l’accomplissement de l’emploi auquel ils sont préposés, et en dehors de tout règlement administratif qui ait pu préciser et limiter la responsabilité de l’Etat vis-à-vis des tiers.

Quelle est l’autorité compétente pour statuer sur cette action ? En l’absence d’un texte spécial qui ait déterminé la compétence, la question ne peut être tranchée que par l’application des principes généraux.
C’est ici que nous nous trouvons en face des deux doctrines contraires de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat.

La première repose tout entière sur cette idée que l’article 1384 du code civil qui déclare les maîtres et les commettants responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés, est applicable à l’Etat comme aux particuliers ; d’où la conséquence que l’autorité judiciaire serait seule compétente pour tirer les conséquences légales de cette responsabilité, aussi bien à l’égard de l’Etat qu’à l’égard des simples particuliers (Civ., req. 1er avril 1845, D.P.45.1.261 ; 19 décembre, D.P.55.1.37).

La doctrine du Conseil d’Etat contient, tout à la fois, une contradiction directe à la thèse de l’autorité judiciaire, et les motifs qui servent de fondements à la compétence administrative.

D’une part, en effet, elle conteste que l’article 1384 soit applicable à l’Etat et que la responsabilité de l’Etat, en cas de faute, de négligences ou d’erreurs commises par ses agents, doive être appréciée selon les principes et les dispositions du droit civil.

D’autre part, elle établit la compétence administrative pour l’appréciation de cette responsabilité sur deux motifs : le premier, tiré du principe de la séparation des pouvoirs, duquel dériverait l’incompétence de l’autorité judiciaire pour statuer sur les réclamations formées contre l’Etat à l’occasion des services publics ; le deuxième, tiré de la législation de 1790 sur la liquidation de la dette publique, d’après laquelle il n’appartiendrait qu’à l’autorité administrative de déclarer l’Etat débiteur, c’est-à-dire de statuer sur les actions qui tendent à faire reconnaître une dette à la charge de l’Etat (voir notamment Conseil d’Etat, 6 décembre 1855, Rotschild ; 20 février 1858, Carcassonne ; 1er juin 1861, Bandry ; 7 mai 1862, Vincent ; 29 mai 1867, Bourdet).

Nous ne nous attacherons pas à ce deuxième motif. Les textes législatifs dont il est tiré, en attribuant à l’Assemblée nationale, d’abord, à l’autorité administrative, ensuite, plénitude de juridiction pour connaître de toutes les difficultés qui pourraient s’élever au sujet des droits de créance réclamés contre l’Etat, paraissent n’avoir eu en vue que la liquidation des créances arriérées. D’un autre côté, ils confondent, dans la généralité de leurs termes, toutes les créances quelle que soit leur cause, sans distinguer entre elles suivant qu’elles concernent l’Etat puissance publique ou l’Etat personne civile. Or, c’est là une distinction que la raison commande, que la loi du 5 novembre 1790 sur le domaine de l’Etat a toujours reconnue et pratiquée depuis quarante ans. Les lois sur la liquidation de la dette publique n’ont pu la laisser de côté qu’à raison précisément de leur caractère exceptionnel et transitoire. Cette règle qu’il n’appartient qu’à l’autorité administrative de constituer l’Etat débiteur, outre qu’elle ne repose pas sur une base solide, a donc, si on la prend dans un sens absolu, le grave inconvénient d’exagérer singulièrement la doctrine du Conseil d’Etat à laquelle elle a malheureusement prêté sa formule.

Que si on l’entend dans ce sens restreint, seul conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat, qu’elle ne concerne que les actions formées contre l’Etat puissance publique, à l’exclusion de celles formées contre l’Etat personne civile, il n’est plus nécessaire d’évoquer à son égard la législation sur la liquidation de la dette publique, car elle n’est plus que l’application à une certaine catégorie d’actions de la première règle plus générale, d’après laquelle l’autorité judiciaire serait incompétente pour connaître de toutes les réclamations formées contre l’Etat par les particuliers à l’occasion des services publics.

Mais cette règle est-elle vraiment la conséquence directe et immédiate du principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire ?

Pour bien comprendre la signification et la portée de ce principe dans notre droit moderne, il importe de se pénétrer de la pensée de l’Assemblée constituante qui l’y a établi et pour nous, cette pensée se révèle, non seulement par l’interdiction faite aux juges de troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, mais encore et surtout par la création dans le sein de l’administration d’une juridiction pour statuer sur tous les litiges auxquels pourraient donner lieu l’action administrative dans la gestion des divers services publics.

On a souvent contesté cette origine à la justice administrative, pour ne la faire dater que de l’an VIII, époque où, dans ce grand travail de réorganisation de l’administration française dû au génie du premier consul, elle a reçu, par l’institution des conseils de préfecture et du Conseil d’Etat, les principaux organes par lesquels elle fonctionne aujourd’hui et qui lui ont donné comme sa forme définitive.

Mais il ne faut pas perdre de vue, que dans le domaine du contentieux administratif, les conseils de préfecture n’ont guère fait qu’hériter, en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII, des attributions qui avaient successivement appartenu, d’abord aux directoires de district et de département, et en dernier lieu aux administrations centrales de département ; de même que le Conseil d’Etat, en vertu de l’arrêté du 5 novembre an VIII, n’a fait que recueillir la juridiction du dernier degré qui avait d’abord appartenu à la réunion des ministres en Conseil d’Etat, sous la présidence du roi, puis, après la suppression de ce conseil, à chacun des ministres dans son département ministériel pour résoudre toutes les affaires contentieuses.

Ces institutions nouvelles n’ont donc fait que réorganiser la justice administrative, de manière à donner aux justiciables des garanties analogues à celles qu’ils trouvaient devant les tribunaux civils, mais elles n’ont pas créé la justice administrative, car, cette justice, elle était sortie tout entière de l’œuvre même de l’Assemblée constituante.

En effet, la loi des 7-11 septembre 1790, détachée de celle des 16-24 août 1790 dont elle forme une annexe, en attribuant aux directoires de district et de département le jugement du contentieux relatif aux matières des contributions directes et des travaux publics, reconnaissait déjà le principe d’une justice administrative. Elle ne contenait à la vérité que des attributions spéciales qui n’embrassaient pas l’ensemble du contentieux administratif, c’est-à-dire la généralité des réclamations auxquelles pouvait donner lieu l’action administrative sous toutes ses formes ; mais, pour ces contestations, il n’était pas besoin d’attribution expresse de compétence, car il suffisait, d’une part, pour les enlever à l’autorité judiciaire, de l’interdiction qui lui était faite de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, et, d’autre part, pour leur donner des juges, de la règle générale de la hiérarchie administrative, en vertu de laquelle les citoyens qui se prétendaient lésés dans leurs droits par les actes de l’administration pouvaient porter leurs réclamations devant l’autorité administrative supérieure. Cette dernière règle pour n’avoir pas été formulée dans la loi des 16-24 août 1790, n’en est pas moins certaine. On en trouve d’ailleurs bien vite la consécration légale : c’est d’abord le décret des 7-14 octobre 1790, d’après lequel les réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs ne sont, en aucun cas, du ressort des tribunaux et doivent être portées au roi, chef de l’administration générale ; c’est ensuite la loi des 27 avril, 25 mai 1791, qui, parmi les fonctions du Conseil d’Etat composé exclusivement du roi et des ministres, comprend l’examen de toutes les difficultés en matière administrative, et l’annulation des actes irréguliers des corps administratifs.

Voilà, messieurs, les vraies origines de la justice administrative dans notre droit moderne, telles que nous les trouvons, dépouillées de leur obscurité primitive, dans un célèbre rapport sur les conseils de préfecture, présenté en 1850 au Conseil d’Etat par M. Boulatignier, ce maître éminent de la science administrative, qui a laissé dans la jurisprudence du conseil, durant une période de plus de trente ans, les traces ineffaçables d’une coopération aussi féconde qu’active.

Nous sommes donc fondés à affirmer que la juridiction administrative est sortie complète, au moins dans ses lignes essentielles, de l’œuvre de la Constituante ; et qu’ainsi, dans l’organisation des pouvoirs publics, elle a eu, dès le début, parallèlement à l’autorité judiciaire, sa place marquée et son domaine propre.

C’est maintenant que nous pouvons voir dans toute son étendue quelle était, dans la pensée de la Constituante, la portée de l’interdiction faite à l’autorité judiciaire de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs. Cela ne signifie pas seulement que les juges devront s’abstenir de décider, par voie de dispositions générales et réglementaires, d’annuler ou de redresser les actes de l’autorité administrative, d’en critiquer la légalité. Cela veut dire aussi qu’ils sont radicalement incompétents pour connaître de toutes les demandes formées contre l’administration à raison des services publics, quel que soit leur objet, et alors même qu’elles tendraient, non pas à faire annuler, réformer ou interpréter par l’autorité judiciaire les actes de l’administration, mais simplement à faire prononcer contre elle des condamnations pécuniaires en réparation des dommages causés par ses opérations. Et il en était ainsi, alors même qu’il s’agissait d’une mainmise par l’administration sur la propriété privée, ce sont des lois spéciales qui, depuis 1810, ont attribué à l’autorité judiciaire le règlement de l’indemnité en cas d’expropriation.

C’est que l’Assemblée ne voulait pas qu’elle pût troubler de quelque manière que ce fût ses opérations. Elle voulait conserver à l’autorité administrative sa liberté complète d’action vis-à-vis de l’autorité judiciaire, afin que sa responsabilité restât entière vis-à-vis du Corps législatif, qui devait avoir le contrôle exclusif de sa marche et de ses actes.

Voilà pourquoi, pour le jugement des réclamations auxquelles pouvait donner lieu l’action administrative, une juridiction spéciale était instituée dans le sein de l’administration, étroitement liée à son action, s’inspirant de ses nécessités, et représentée, au degré le plus élevé de hiérarchie, par les ministres réunis en Conseil d’Etat, et agissant, dans cette partie de leur mission, comme toutes les autres branches du service public, sous le contrôle de l’Assemblée nationale.

C’est dans cet ordre d’idées que Thouret, dans son rapport sur la loi des 16-24 août 1790, délimitait le pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir administratif, en ces termes : “ Le pouvoir judiciaire, distinct du pouvoir administratif, est circonscrit dans les bornes de la justice distributive pour le jugement des contestations privées entre les citoyens et pour la punition des crimes. ” Et plus tard, le savant Henrion de Pansey, comme s’il eût voulu tirer la conséquence logique de cette proposition, disait : “ Si le juge ordinaire ou territorial n’a pas le droit de connaître des affaires administratives, ce n’est pas, à cet égard, que sa compétence soit astreinte, c’est qu’elle ne s’est jamais étendue jusque-là. ”

En présence de ces deux citations qui déterminent de la façon la plus nette le domaine respectif de l’autorité judiciaire et de la juridiction administrative, nous pouvons maintenant conclure que si l’Etat en tant que personne civile, considérée soit comme propriétaire, soit comme contractant et à raison des rapports qui découlent de ces situations entre lui et les particuliers, est justiciable des tribunaux ordinaires, il ne l’est pas en tant que puissance publique chargée d’assurer la marche des divers services administratifs, à moins, pourtant, que des lois spéciales à ces services ne l’aient exceptionnellement soumis à l’autorité judiciaire, comme cela a lieu, en matière de douanes, de contributions indirectes, d’enregistrement, d’expropriation pour cause d’utilité publique et même de simple occupation temporaire pour travaux de fortification.

Mais ces exceptions ne font que confirmer la règle de notre droit public, qui place dans le domaine naturel de la compétence administrative toutes les réclamations formées contre l’Etat à raison des services publics (voir, notamment, l’arrêt du 6 août 1841, affaire Dekeister, rendu au rapport de M. Boulatignier, D.P.62.3.4.).

Cette règle étant établie, il nous semble qu’elle comprend, dans la généralité de ces termes les réclamations de la nature de celle qui nous occupe dans l’espèce, c’est-à-dire les demandes formées contre l’Etat à raison des fautes commises par ses agents dans l’accomplissement des services publics.

Nous avons vu que l’unique raison donnée par la Cour de cassation pour faire rentrer ces réclamations dans la compétence judiciaire était tirée de ce que l’article 1384 était applicable à l’Etat.

Mais c’est là une simple affirmation qui ne repose ni sur les termes de l’article 1384, ni sur le caractère du code où cet article est placé, lequel a pour objet de régir les rapports des particuliers entre eux, et non les rapports de l’administration avec les citoyens.

À la vérité, nous avons reconnu que l’Etat, comme propriétaire, comme personne civile capable de s’obliger par des contrats dans les termes du droit commun, était, à ce double point de vue, dans ses rapports avec les particuliers, soumis aux règles du droit civil.

Mais il ne s’agit pas de l’Etat propriétaire ou personne civile ; il s’agit de l’Etat puissance publique, à qui l’on vient demander compte d’un dommage causé par ses préposés dans l’accomplissement de leur service. Or, en principe général, l’Etat puissance publique n’est pas soumis aux règles du droit civil ; il ne l’est pas non plus à la compétence judiciaire ; il n’en pourrait être autrement que si une loi l’avait formellement déclaré.
Or, nous ne trouvons dans notre législation aucune loi générale qui ait déclaré à l’égard de l’Etat cette responsabilité civile, cette compétence judiciaire.

Nous avons bien, il est vrai, quelques lois spéciales qui, pour des cas déterminés, ont reconnu le principe de la responsabilité de l’Etat à raison des fautes de ses agents, et la compétence judiciaire pour appliquer cette responsabilité. Telle est, par exemple, la loi des 6-22 août 1791 sur les douanes (titre 18, article 19), qui déclare la Régie responsable du fait de ses préposés dans l’exercice et pour raison de leurs fonctions ; telle est encore la loi du 15 juillet 1845 sur les chemins de fer (article 22) qui soumet l’Etat à une responsabilité semblable, lorsque le chemin de fer est exploité à ses frais et pour son compte.

Mais il n’eût été certes pas besoin de ces dispositions spéciales si, en règle générale, l’article 1384 et la compétence judiciaire avaient été applicables à l’Etat.
Nous n’en pouvons tirer qu’un argument de plus pour prouver que cette règle générale n’existe pas.

Et maintenant faut-il le regretter ? Nous ne le pouvons pas.

Il nous semble impossible, en bonne raison et en bonne justice, d’assimiler complètement l’Etat à un simple particulier pour ses rapports avec ses agents et pour les conséquences qui en peuvent dériver au point de vue de sa responsabilité vis-à-vis des tiers.

Et d’abord, le rôle de l’Etat, dans l’accomplissement des services publics, est non pas volontaire, mais obligatoire ; il lui est imposé non dans un intérêt privé, mais dans l’intérêt de tous.

En deuxième lieu, il faut considérer l’importance et l’étendue de ces services et (en laissant à part l’armée de terre et de mer pour ne parler que des services administratifs) le nombre énorme d’agents de toutes sortes, fonctionnaires publics, agents auxiliaires, employés, gens de service qu’ils nécessitent ; les conditions de leur nomination et de leur avancement qui, réglés souvent par la loi ou par des règlements généraux, ne laissent pas toujours à l’administration la liberté de son choix ; la variété infinie des emplois, et par suite, des rapports qui s’établissent entre l’Etat et ses agents à leur occasion.

Il y a là autant de raisons qui montrent que la responsabilité de l’Etat, pour les fautes de ses agents ne peut être ni générale ni absolue ; qu’elle doit se modifier suivant les lois et règlements spéciaux à chaque service, suivant leurs nécessités, suivant aussi la nature des emplois. Eh bien, toutes ces considérations échappent, de leur nature, à l’autorité judiciaire ; elles seraient dans bien des cas pour elle, nous ne craignons pas de le dire, un véritable embarras ; elles rentrent au contraire naturellement dans le domaine de la juridiction administrative, mieux placée que l’autorité judiciaire pour interpréter les lois et règlements de l’administration, pour connaître les besoins, les nécessités de chaque service, pour établir enfin entre les intérêts essentiels de l’Etat et les droits privés une conciliation qui est le caractère dominant de sa mission (voir notamment l’arrêt du 6 décembre 1855 affaire Rotschild, rendu au rapport de M. Marchand, D.P.59.3.34).

Maintenant tout en admettant que, en thèse générale, l’article 1384 du code civil et la compétence judiciaire, pour le cas qu’il prévoit, ne concernent pas l’Etat en tant qu’administration, est-il possible de réserver les espèces pour y chercher des distinctions tirées, soit de la nature du service à l’occasion duquel l’action en responsabilité est dirigée contre l’Etat, soit de la qualité de l’agent qui aura commis le dommage sur lequel est basée l’action ? Ainsi, dans l’espèce actuelle, il s’agit d’une manufacture de tabacs qui a une grande ressemblance avec une industrie privée. Il s’agit de faits d’imprudence reprochés à de simples ouvriers qui sont en dehors de la hiérarchie administrative. Nous ne nous dissimulons pas tout ce que ces deux circonstances peuvent avoir de favorable pour faire admettre la responsabilité de l’Etat, mais nous persistons à penser que, même dans ces circonstances, il ne faut pas faire fléchir la règle de la compétence administrative pour apprécier cette responsabilité. D’une part, en effet, le service des tabacs, quelque ressemblance que son exploitation puisse offrir avec l’industrie privée, n’en est pas moins un service public, comme tous les autres services dont l’ensemble constitue notre système financier. Or, tous ces services sont des branches de l’administration ; l’Etat, dans leur gestion, agit toujours comme puissance publique, et, à ce titre, il n’est justiciable à leur égard que de la juridiction administrative, à moins d’une dérogation expresse et spéciale que nous ne rencontrons pas dans l’espèce.

À la vérité, le Conseil d’Etat a parfois distingué, parmi les différents services publics ou plutôt parmi les divers actes de la puissance publique, ceux qui avaient un caractère exclusivement politique ; mais ce n’a jamais été pour revendiquer à leur égard la compétence de la juridiction administrative ; c’était, tout au contraire, pour décliner cette compétence. Quant aux services administratifs proprement dits, les seuls dont nous ayons à nous occuper, quel que soit leur aspect extérieur, qu’ils soient relatifs à la haute police administrative, à la régie économique ou financière du pays, ils ont tous le même caractère de services administratifs, et, à ce titre, ils ne sont justiciables que de la juridiction administrative, sauf les exceptions déterminées par la loi.

Reste la circonstance que ce sont de simples ouvriers qui ont causé l’accident. Mais c’est toujours chose délicate et qui comportent une immixtion dans les détails intérieurs d’un service, que d’apprécier les rapports exacts qui existent entre l’Etat et les divers individus qu’il y emploie, et les conséquences qui peuvent dériver de ces rapports vis-à-vis des tiers. Or, une pareille immixtion, une pareille appréciation, essentiellement administrative par son objet, ne saurait appartenir aux tribunaux judiciaires. D’ailleurs, quel que soit le caractère des individus qui ont causé l’accident, il est une chose certaine, c’est que les faits reprochés se rapportent directement à un service administratif, puisque c’est précisément cette circonstance qui est le fondement de la demande. Or, elle suffit pour la faire rentrer dans la règle générale, d’après laquelle toute réclamation formée contre l’Etat, à l’occasion d’un service public, appartient à la compétence administrative, règle qui n’est, en définitive, que la sanction pratique du principe de la séparation des pouvoirs.

Ce principe, il importe de le maintenir dans toute l’énergie qu’ont entendu lui imprimer ses fondateurs ; c’est ce que nous vous demandons de faire en confirmant le conflit élevé par le préfet de la Gironde, devant le tribunal civil de Bordeaux, dans l’instance engagée par le sieur Blanco contre l’Etat.